Page 4 - CKG FINEART - Gilles Gorriti
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La peinture accompagne Gilles Gorriti depuis l’enfance. Le passage fut-il aisé entre l’atelier du père, Paul ౣలʹدͤͯ
Aizpiri, et le sien ? Une vocation irrévocable donne la réponse alors qu’avec les années il conquiert et affermit
son univers plastique et crée sa propre vision de la peinture.
Peintre de la réalité, il en cherche la beauté secrète et installe très vite un dialogue entre les objets et
lui-même, transpose le visible dans un jeu plastique et coloré. C’est donc au-delà du réalisme qu’il entend rester ༮গظΑΓδϧɾΰϦνֆըͱڞʹҭͬͨɻըՈͰ͋Δɺ ൴ͷ৭࠼ͷ๛͔͞ɺɾ੨ɾɾɾͦΕΒݪ৭ͱʢ൴͕ܟѪ͢Δ
fidèle à une tradition picturale attentive aux accords harmonieux des couleurs et des rythmes. La leçon des Nabis ϙʔϧΞΠζϐϦͷΞτϦΤͱ൴ͷΞτϦΤͱͷߦ͖དྷ༰қ ΰϠϚω͕ΜͩΑ͏ʹʣࠇͷଟ༷ੑΛ࠷େݶʹར༻͠ɺ
a été entendue tout comme celle de Matisse et de Picasso, dont il admire les papiers collés. Il construit ses ͳ͜ͱͩͬͨͷͩΖ͏͔ʁ ิ৭ʹΑͬͯΘΒ͛ΒΕͨ৭ௐɺͦΕ·ΔͰԻָΛฤۂ͢
compositions à la façon d’un haïku, image après image, aussi différente que complémentaire en piégeant le sens ఆΊΒΕͨಓͰ͋ΔͱΘ͔͔ͬͯΒɺͱڞʹɺ൴ࣗΒͷ Δ͔ͷΑ͏ͩɻ൴ੜ·ΕނڷͷόεΫͰग़ձͬͨϑϥϝϯί
au profit d’un sentiment de surprise. Il construit et déconstruit sa composition, réinvente la perspective en ܗੈքΛ֫ಘ͠ɺಠࣗʹֆըͷࢹΛΓ্͛ͨɻ ऀΛසൟʹ๚ͶɺڞʹΪλʔΛͰ͍ͯͨɻ൴ͷ͜ͷख़࿅
ouvrant de nouveaux espaces pour un monde poétique.
Gorriti peint ce qu’il aime. Les objets chinés dans les brocantes ou rapportés de ses voyages, son atelier ͨ͠ϛϡʔδγϟϯͱͯ͠ͷҰ໘ΛΕɺͦΕڻ͘͜ͱͰ
encombré de ses modèles familiers – pot et pinceaux, pichet, vases de fleurs, étoffes, fruits dans une coupe. Ses ࣮ࣸओٛͷըՈͰ͋Δ൴ӅΕͨඒΛ୳͠ग़͠ɺͦͷର ͳ͍ͩΖ͏ɻ
natures silencieuses, ses scènes d’intérieurs, sont en prise directe sur l’imaginaire pour une évasion naturelle ͱͷձΛ࢝ΊΔɻͦͯ͠ʹݟ͑ΔମΛ৭࠼ʹΜͩܗ
hors du monde et d’une réalité ordinaire. Une toile posée sur le chevalet devient la métaphore du miroir. Celui ʹஔ͖͑Δɻͭ·Γ൴࣮ࣸΛ͑ͯ৭࠼ͱϦζϜͱͷௐ ҰͭͷΠϝʔδ͔Βଈ࠲ʹೳతͳͻͱච͕Ωϟϯόεʹඳ
de la peinture comme reflet de ce que nous croyons voir selon un illusionnisme auquel le peintre se refuse de ΛऔΔ͜ͱͰ౷తͳֆըٕ๏ʹ࣮Ͱ͋Ζ͏ͱͨ͠ɻ ͔ΕΔͱओ໌շͱͳΔɻͻͱචͻͱචॏͶΒΕɺঢ়ͷɺ
recourir par le trompe-l’œil. Il s’appuie sur le jeu simultané d’images vraies qu’il redistribue sur la surface selon
un processus de découpage par fragments, selon la vision de son atelier. Un atelier qui se façonne à son image, ൴φϏͷڭٛʹֶͼɺ·ͨϚςΟεϐΧιͷίϥʔδϡ ్͍҃Ε్ΕͷઢʹΑͬͯෳͷখ͞ͳߏਤ͕ੜΈ
à laquelle répond sa peinture. L’atelier se remplit au gré des accumulations d’objets, se déplace, se recompose Λশࢍͨ͠ɻ ग़͞ΕΔɻ͜Ε൴͕ຊͷ൛ըΛΜͰ͍ͨ͜ͱ͔Β͏ͳ
suivant les lieux aimés : celui de Paris, de Montfort, de Beauvallon, de Guétary. L’atelier est le lieu clos où ൴ҟͳΔ͕͓ޓ͍ʹิ͍߹͏ΠϝʔδΛͭ͗ͭ͗ͱΈ߹ ͚ͣΔɻ൴͕ओ͔ΒͱΔڑɺΩϟϯόεͷΛ͑ֆը
l’intimité va de pair avec l’effusion colorée et la douce chaleur nostalgique qui s’en dégagent. Θͤɺആ۟Λ࡞͢ΔΑ͏ʹߏਤΛΓ্͛ΔɻͦͷΠϝʔδ ͷ͕ΓΛੜΉɻ͞ΒʹզʑʹΨετϯɾόγϡϥʔϧͷݴ͏ɺ
Sa peinture est une digression visuelle, illusoire et enchanteresse. Formes et couleurs suggèrent des sons, ·ΔͰಾ͔͚ͷΑ͏ʹݟΔଆʹڻ͖Λ༩͑Δɻ൴ࣗͷ ເͷࢻֶΛىͤ͞ɺզʑ͕Ͱଊ͑ΔͷΛ͑ͨ૾
aussi éphémères que l’est le réel, insaisissable, dispensateur d’un sentiment tout aussi fugitif. S’emparer par le
dessin et la couleur de l’instant passager saisi par le regard revient à le suspendre dans l’espace imposé de la ࡞ͨ͠ߏਤΛղ͠࠶ߏங͢Δ͜ͱͰ৽ͨͳࢻతੈքΛ ͷੈքͱಋ͘ɻ
toile. Telle est la quête de la peinture de Gorriti. ߏங͢Δɻ ͦͯͦ͠ͷֆເͷ༷ͳҟۭؒͱͳΔɻ൴ͷΏͬ͘Γͱͦͯ͠
La richesse de sa palette dominée par les rouges, les bleus, les dominantes primaires rompues par les couleurs ߇͑ΊͳֆըͷΞϓϩʔνɻΰϦνޫ͕৭࠼Λࡍཱͨͤ
secondaires adoucies des demi tons saturés par le noir (si cher à Goya et à Manet, des modèles pour lui) orches- ΰϦν͓ؾʹೖΓͷͷΛඳ͘ɻྫ͑ϒϩίϯτͰ୳͠ग़ Δ࠷༏ઌͷཁૉͰ͋ΔࣄΛ͍ͬͯͨɻ
tre des correspondances intimes et musicales. Nulle surprise chez ce musicien accompli qui pratique la guitare, ͨ͠ͷɺཱྀ͍҃ઌͰݟ͚ͭͨͷɾɾɾචཱͯͱֆචɺਫࠩ ฏୱʹ৭͚ͮ͞ΕͨΦϒδΣɺྠֲΛڧௐ͢ΔΑ͏ʹ
et fréquente les joueurs de flamenco qu’il retrouve au Pays Basque natal.
A partir de l’inscription d’une image, de celle d’une couleur posée d’une touche immédiate et sensuelle, le ͠ɺ͞·͟·ͷ৫ɺՖළɺɺՌ͕ΒΕͨࡼɻ ͚͞ΕΔɻ͋͑ͯຊͷྠֲͱͣΒͯ͠ԑऔΔࣄʹΑͬͯͦͷ
sujet impose sa lisibilité à partir des petites compositions imbriquées les unes aux autres, soudainement ൴͕׳Ε͠Μͩʑ͕ҲΕͨΞτϦΤɻͦΕΒͷݴΘ͵ ৭࠼༂ಈײΛͬͯಈ͖ग़͢ɻ
interrompues par la découpe d’une ligne sinueuse ou brisée pour un cadrage inattendu, un clin d’œil à sa fascina- ͕ͨͪฒͿࣨ෩ܠ͕ͦ͜ɺ൴ͷ૾Λ͔͖ͨͯɺฏຌͳ
tion pour l’estampe japonaise. Le recul qu’il prend avec son sujet introduit un mouvement qui se prolonge ݱ࣮ੈք͔ΒͷಀආΛՄೳʹ͢ΔɻΠʔθϧʹஔ͔ΕͨΩϟ ֆըͷݥͱઈ͑ؒͳ͍ม༰Ͱͳ͍ͩΖ͏͔ʁ
au-delà du cadre et entraîne notre imaginaire amenée à prolonger la peinture au-delà de ce que notre œil perçoit ϯόεڸͱͳΔɻ൴ɺզʑʹݟͨͱ৴͜͡·ͤΔͩ·͠ֆͷ σοαϯʹΑͬͯ໌֬ͰཚΕͷͳ͍ਤ૾Λߏங͠ɺҰํͰ
pour une poétique de la rêverie selon le philosophe Gaston Bachelard.
La peinture devient alors le lieu de digressions rêveuses. Dans sa lente et pudique démarche picturale, Gorreti ٕ๏ʹཔΔ͜ͱΛΑ͠ͱ͠ͳ͍ɻࣗͷΞτϦΤʹ͋ΔޫܠΛஅ ֆ۩ີͷ͋ΔೳతͳܗΛ۩ݱԽ͠ɺ࣮ʹಠಛͳ৭ௐ
sait que la lumière est un élément prioritaire pour exalter la couleur. Posée en aplats repris et modulés exaltant ยతʹΓऔΓɺͦΕΛ࠶͢Δ͜ͱͰΠϝʔδΛߏங͢Δɻ Λৢ͠ग़͢ɻ
les contours des objets, faussement cloisonnés pour un parti pris de décalage, la couleur intervient comme un ൴ͷඳ͘ֆըֆͷܗΛͨ͠ͻͱͭͷ൴ͷΞτϦΤɻ
élément mouvant. ͷʹҲΕͨ࠷Ѫͷॴ ʕύϦͷΞτϦΤɺ͍҃ϞϯϑΥ δϧɾΰϦνͷ͜ͱʢ࡞ʣɺզʑʹͻͱཱ࣌ͪࢭΓɺᛉ
L’aventure de la peinture n’est-elle pas en constante métamorphose ? ʔϧɺϘʔϰΝϩϯɺήολϦʔͷΞτϦΤɻ൴ͷΠϝʔδ͜ ͢Δ͔ͷΑ͏ʹݟΔࣄͱ༠͏ɻ
Tandis que le dessin écrit, le geste précis et juste construit l’objet, la matière incarne une forme, dense et
charnelle, pour une harmonie des lignes accordées à un chromatisme aux résonances picturales très personnelles. ΕΒͷॴΛҠಈ͠ɺ࠶ߏ͞ΕΔɻ զʑ͕͍ͬͯΔͱࢥ͍ࠐΜͰ͍Δ͕ɺ࣮ৗੜ׆ͱผͷ
Le langage de Gilles Gorriti nous invite à nous arrêter et à regarder, pour une méditation accordée au temps ΞτϦΤ൴ʹͱͬͯͦͷۭ͕ؒ࣋ͭԺ͔ͳϊελϧδʔͱ டং͕͋ΔࣄΛͦ͜ʹݟग़͢ͷͰͳ͍ͩΖ͏͔ʁ
suspendu. Que voyons nous que nous pensions connaître et qui est d’un autre ordre que celui du quotidien ? Le ৭࠼ͷൃ࿐Ͱ͋Δͱڞʹɺ৺ͷԞఈʹ͋ΔͷΛදݱ͢Δ͜ͱ ֆըͷੈքΕΒΕͨ࣌ؒͷ୳ٻͷҰͭͷ͔͑ͩΒɻ
monde de la peinture est une réponse à la recherche du temps oublié. ͕ग़དྷΔਆͳॴɻ
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ܗ৭ଊ͑Ͳ͜Ζ͕ͳ͘ɺͱ͔ͯͳ͍ɻݟͨͷΛॠؒ ϦσΟΞɾϋϥϯϒϧά
ɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹ Lydia Harambourg
ɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹ Historienne Critique d’art తʹଊ͑ɺܗͱ৭ΛΩϟϯόεͱ͍͏ݶΒΕۭͨؒʹදݱ͢Δɻ ඒज़ධՈɹඒज़࢙ධՈ
ɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹ Membre correspondant de l’Académie des Beaux-Arts ͦΕ͕ͦ͜ΰϦνͷֆըͷ୳ٻͰ͋Δɻ ϑϥϯεɺΞΧσϛʔɾϘβʔϧձһ
ɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹɹ Institut de France ݄
Juin 2019